Le métier de mangaka n’est pas un métier évident. Constamment mis sous pression avec des délais à respecter et en constante compétition avec ses pairs afin de garder sa place dans un magazine de prépublication, il n’est pas facile de se lancer dans la vie de mangaka. Aujourd’hui mis sur un piédestal honorifique, notamment une participation littéraire aux Jeux Olympiques de 2020(21), mangaka est un métier unique en son genre qui fait rayonner le Japon à travers le monde. Mais seriez-vous surpris si je vous disais que ça n’a toujours pas été le cas ?

( Hebdomadaire, mensuel, bimensuel ou tri mensuel)

Un métier déprécié

Il n’y a pas si longtemps le métier de mangaka n’était pas un métier enviable ou facilement réalisable, souvent considéré comme un sous-métier. Et pour comprendre pourquoi, il faut remonter à ses origines. Utilisé dans un premier temps à des fins de propagande par le gouvernement japonais afin de solliciter sa population pour reconstruire un Japon en ruine à la suite de la Seconde Guerre Mondiale, le manga prend très vite sa place en tant que divertissement littéraire. C’est cette reprise en main et des idées contre-productives que certains jeunes mangaka sèmeront dans leurs écrits, attisant les contradictions avec la mentalité des années 50 et remettant en question les grandes traditions tout en critiquant l’évolution du Japon moderne tourné vers la production effrénée. Abordant des thématiques que tout le monde se refuse tacitement d’aborder, le manga, lui, s’inspirent des faits universels, des problèmes de société, qu’ils soient affectifs, scolaires, sexuels ou de travail. ((Akira, MW, L’Histoire des 3 adolf, princesse saphir, Gen d’Hiroshima, etc…)

Le manga ne se cache pas et utilise son support afin de véhiculer le reflet de la société nippone, les bons comme les mauvais côtés. Héritier de cette tradition critique et sans tabous, le célèbre Inio Asano, par exemple, s’est parfaitement spécialisé dans ce domaine.
Ceci a fait que le métier de mangaka a longtemps été boudé. Nombreux mangaka, soucieux de garder l’anonymat, optaient à cette époque pour un autoportrait fort particulier : le jigazo, cet autoportrait dessiné représentant le mangaka pour ses lecteurs.

Vers une vulgarisation du métier

Au fil des années et du gain de popularité que le manga rencontre, les mentalités changent tranquillement. L’arrivée de l’excellent Bakuman dans le Shônen Jump, de Takeshi Obata et Tsugumi Oba, aura un énorme succès au Japon. Renouvelant avec le succès après leur Death Note, les deux mangaka arrivent en 20 volumes à démystifier le métier de mangaka. Racontant les débuts de deux jeunes garçons talentueux désirants écrire leurs propres mangas, la série réussit avec brio à vulgariser le métier ainsi que le cheminement jusqu’à la sérialisation d’une histoire dans un magazine, en nous entraînant dans leurs coulisses de ce nouveau métier. Mangaka devient enfin une profession normalisée : il n’y a plus de honte de se laisser rêver à devenir artiste manga.

La popularité des gros succès des années 2000, notamment avec leur Big Three (Naruto, Bleach, One Piece), révèlera la pièce manquante à ce puzzle complexe. Même si le métier reste assez dur physiquement et moralement, il devient source de persévérance et d’abnégation. Gagner sa vie en tant que mangaka est long et compliqué mais pas irréalisable, et surtout envié. Même malgré le mur que One Piece représente afin d’accéder au succès, plusieurs titres tirent très bien leur épingle du jeu. La fulgurante ascension de Demon Slayer et de Jujutsu Kaisen, mangas réalisés par de jeunes mangaka, est la preuve que, moyennant un bon récit, n’importe quelle œuvre peut avoir son heure de gloire, allant même jusqu’à faire de l’ombre à l’éternel No 1 ! One Piece ayant réalisé lui-même un tel exploit en détrônant fin 90 le monstre de popularité que représentait Dragon ball !
Être mangaka n’est donc plus ce qu’il était auparavant. Il s’est normalisé et est reconnu comme un métier à part entière. Plusieurs infrastructures officielles ont été mises en place : l’apparition d’écoles du manga et des nombreux concours organisés par les maisons d’édition nippones pour les jeunes talents sont aujourd’hui de très bonnes preuves de cette amélioration.

Et aujourd’hui ?

Nous l’avons vu, la place du mangaka dans la société japonaise est vraiment meilleure qu’autrefois. Il suffit de regarder la mise en avant de la scène lors des derniers Jeux Olympiques : Akira Toriyama (Dragon Ball), Takehiko Inoue (Slam Dunk, Vagabond), Naoki Urasawa (20th century boys, Monster), Hirohiko Araki (Jojo’s Bizarre Adventure), et bien d’autres ont été enrôlés afin de promouvoir la culture nippone aux yeux du monde entier. On découvre enfin un Japon fier de sa culture-pop, allant jusqu’à choisir des héros de mangas tels que Luffy, Goku, Usagi, Naruto, Shinchan ou Astro comme ambassadeurs officiels de ses J-O.

Depuis quelques années, les mangakas sorte de leur zone d’anonymat confortable et se mettent eux-mêmes, leurs travaux et leur métier à la merci du regard d’autrui en s’affichant sur internet et les réseaux sociaux. Plusieurs mangaka présents sur Twitter ou sur YouTube n’hésitent pas à promouvoir un événement, une séance de dédicace ou juste leur vie de tous les jours, créant ainsi un lien fort et intime avec qui voudra bien la partager. Le manga Libraire jusqu’à l’os, racontant la vie d’Honda, un libraire à tête de squelette, montre avec beaucoup d’humour la relation entre le mangaka et ses lecteurs sous un angle nouveau : le rapport de l’auteur envers sa communauté ainsi que l’abandon de l’anonymat du jigazo.

Le manga ne cesse de gagner en popularité depuis plusieurs années, c’est un fait ! L’image véhiculée grâce par ce succès a su redorer le blason du métier du mangaka. Aujourd’hui, le métier de mangaka est éventuellement reconnu à sa juste valeur : un métier artistique honorable. Mélangeant passion et abnégation totale envers une œuvre, les mangaka amènent leurs lecteurs au plus profond de leur œuvre par le biais d’une histoire. Pensez-y : ce voyage au cœur de l’imaginaire d’inconditionnels rêveurs ne pourrait-il pas être considéré comme un des plus beaux métiers du monde ?

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