L’interminable attente arrive à son terme, la nouvelle que nous attendions tous est enfin là : malgré la mort du regretté Kentarô Miura, le manga Berserk trouvera bel et bien une fin. La série sera reprise par Kôji Mori, auteur de l’excellent Suicide Island et de Genesis (qui vient de sortir cette semaine), qui était aussi le meilleur ami de Miura-sensei. Mori aura la lourde tâche de faire perdurer l’héritage de Miura car il cache un lourd secret :
Il est la seule personne au monde à connaître la fin de Berserk !
Mais alors que le tome 41 devrait arriver dans les prochaines semaines, immergeons-nous encore une fois dans cette œuvre mythique et mystique qui a su en marquer plus d’un.

Berserk compte une pléthore d’inspirations : la Guerre de cent ans, Escher, le film Phantom of the paradise, ou encore Ubik. Mais ce qui est moins connu, c’est que Miura a été grandement influencé par un autre classique du manga. D’après lui, les aventures de Guts n’auraient pas été ce qu’elles sont sans le manga La rose de Versailles de Riyoko Ikeda (aussi connu sous le nom de sa version anime, Lady Oscar).
Insolite n’est-il pas ?
Comment cette œuvre si différente a bien pu influencer Berserk, allant jusqu’à remettre en cause l’identité propre de l’oeuvre ? Le mangaka, via le Berserk Official Guidebook, partage l’impact que Lady Oscar a eu sur lui lorsqu’il travaillait sur l’Age d’Or de la saga Berserk : « J’aime aussi les shôjô, alors j’ai pensé à changer mon approche en m’inspirant d’histoires aux relations humaines et aux émotions tristes et douloureuses. C’était une bonne opportunité, alors je me suis dit que je changerais d’arme et que je l’aborderais sous l’angle de la Rose de Versailles »

La Rose de Versailles, c’est quoi ?

Encore aujourd’hui considéré comme LE “manga pour jeunes filles” par excellence, La Rose de Versailles prenait vie il y a presque 50 ans sous la plume de Riyoko Ikeda. Versailles no Bara, de son nom originel, fut pour beaucoup de Japonaises et Japonais, une première porte d’entrée avec la culture française et plus précisément l’ambiance du siècle des lumières. L’oeuvre d’Ikeda nous invite, dans la France du 18e siècle, à suivre la rencontre et le destin de trois jeunes personnes à la cour du roi : l’archi-duchesse Marie-Antoinette, dauphine et future épouse du futur roi Louis XV, Oscar François de Jarjayes qui n’est autre que la fille cadette travestie d’une famille de soldats et Axel de Fersen, un gentilhomme suédois dont Marie-Antoinette tombe follement amoureuse. Écrasés par leurs responsabilités respectives et leurs secrets, les trois héros évoluent dans une France marquée par une vision du monde différente, nouvelle et élargie, héritée de questionnements issus du dernier siècle.

Les inspirations dans Berserk : les personnages

Les deux personnages qui ressortent de la façon la plus flagrante sont Serpico et Griffith.

Serpico, d’après l’auteur, « est le rêve des lectrices. Mon intuition était qu’il est le genre d’homme qu’elles aimeraient connaître. Pour être franc, c’est André de La Rose de Versailles. »

Écuyer, Serpico forme la garde rapprochée de Dame Farnese. Etre lunaire au premier abord, il se révèle pourtant un fin stratège. La relation Serpico-Farnese, sa demi-sœur, est loin d’être simplement limitée à celle de maître-serviteur. Elle est nuancée par l’intensité de sentiments qui semblent non partagés. Dame Farnese ignore leur lien de parenté et a même tenté de le séduire par le passé afin qu’il s’enfuie avec elle. Cela fait écho à la relation complexe et ambiguë qu’Oscar et André partagent l’un pour l’autre. André est pour Oscar un camarade de jeu, un compagnon d’armes, un ami et un confident, presque un frère et, bien plus tard, un amant.

Griffith, quant à lui, est directement inspiré d’Oscar.
Kentarô Miura a pris Oscar en tant que principale inspiration pour le chara-design de Griffith en lui offrant un aspect doux et délicat. Un des éléments les plus intéressants et cocasses de l’influence d’Oscar est que, malgré leur ressemblance physique frappante, les deux personnages semblent être aux antipodes l’un de l’autre au niveau de leurs croyances et de leurs actions. Fondateur de la Troupe du Faucon, Griffith est un génie de la guerre. Agile, gracieux et d’une beauté incroyable, il constitue l’un des points centraux de l’oeuvre et un de ses plus grands mystères.

En cela, Griffith s’oppose totalement à Oscar.
Quand Oscar est altruiste, Griffith est égoïste et opportuniste au possible. Il tire parti des circonstances, en transigeant, au besoin, avec les principes laissant paraître deux visages d’un même homme qui viennent fonder la base de la relation qu’il entretient avec Guts, le héros de l’oeuvre. Affichant une « vraie » facette au cœur pur et au sourire d’enfant devant tout le monde, avec Guts c’est une version « corrompue » qui transparaît. Dévoré par l’ambition de réaliser son rêve personnel, il n’hésitera pas à utiliser tous les moyens à sa disposition pour ce faire, ce qui se concrétisera et nous amènera aux événements du tome 12 de la saga : l’Eclipse.
À l’inverse, Oscar orientera son caractère vers la passion et un sens aigu de la justice à toute épreuve, qui la feront adhérer aux idées révolutionnaires de liberté et qui, au bout du compte, la mèneront aux événements de la prise de la bastille.

L’aspect politique des deux œuvres

La Rose de Versailles, manga des années 70, prend place durant la Révolution Française. Oscar, grâce à son sens de la justice, se retrouvera très vite imbriquée dans les idées de la révolution, ce qui se concrétisera avec la prise de la Bastille et dans l’impact qu’elle aura sur Marie-Antoinette.

Inspiré, Kentarô Miura choisira également d’incorporer des éléments politiques dans sa propre création : le manga prend place lors de la Guerre de cent ans et l’impact que la Troupe du Faucon a sur cette guerre est conséquente. La troupe est réputée pour être la meilleure et capable de changer l’issue d’une bataille à elle seule. Plus tard, Griffith sera amené à la cour du roi et fera du charme à la princesse Charlotte pour pouvoir réaliser son rêve, s’immisçant ainsi dans les intrigues de la cour.

Inspiration insolite, il faut bien le reconnaître, Berserk a ainsi pour inspiration principale La rose de Versailles et lorsque l’on demande à son auteu si son manga ne serait finalement pas un shôjô déguisé en seinen, Miura prend la parole ainsi : « Cela fait du sens pour moi. Le manga shôjô consiste à exprimer chaque sentiment avec puissance, et, en ce sens, il n’est pas aussi artificiel que le manga pour hommes. Les mangas pour hommes ont tendance être plus calculés pour bien se vendre, alors que les mangas shôjô sont en quelque sorte justes moelleux. Je me rends compte que ce n’est pas un mot très descriptif, mais, de toute façon, cela pourrait être quelque chose que j’ai en commun avec le manga shôjô »

La série reprend petit à petit et je voudrais prendre la peine de remercier les personnes derrière ce dernier magnifique hommage à l’auteur. Mais également souligner que ce geste, certes donnera une fin bien méritée à une œuvre mythique, mais aussi est réalisée pour faire plaisir aux nombreux lecteurs qui, chapitre par chapitre, tome après tome, suivent les aventures de Guts et de sa troupe. De mon point de vue de lecteur et de fan inconditionnel de l’oeuvre, je remercie les efforts de Kôji Mori, le studio Gaga ainsi que les assistants de l’auteur qui, ensemble, ont décidé de faire vibrer une dernière fois le cœur des lecteurs qui le réclamaient haut et fort. Où qu’il se trouve aujourd’hui Kentarô Miura entendra une dernière fois l’amour que nous avons pour lui et pour son travail.

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