‘’A story that is at once eternal and fresh’’, a dit Guillermo del Toro à propos de Shuna’s journey. Pas n’importe quel raconteur d’histoires quand même!
Traduit pour la première fois en anglais et pas encore en français, sorti des archives pour rayonner à travers le monde entier, Shuna’s journey est un manga scénarisé et illustré par nul autre que Hayao Miyazaki, le maître incontesté de l’animation japonaise, et même, ne craignons pas les mots, mondiale.
Ce joyau est apparu comme par magie sur nos tablettes alors qu’on croyait tout connaître de l’œuvre du maître, et, en tant que fan de Nausicaä de la vallée du vent, Mon voisin Totoro, Princesse Mononoke et bien d’autres, on ne pouvait pas passer à côté de cette lecture.
Retour sur cette plongée dans l’émerveillement de l’enfance!
D’où provient Shuna’s journey?
Shuna’s journey est une histoire one-shot éditée dans sa version anglaise par les éditions First Second en format hardcover, légèrement agrandi, et avec jaquette retirable rendant hommage à la version originale japonaise, ce qui est suffisamment rare dans les éditions anglophones pour être signalé.
Datant de 1983, la production de ce manga est donc précurseur à la création des Studios Ghibli (fondés à 1985) et représente par cela toute la genèse du travail de Miyazaki.
Intégralement (et superbement) colorisé, la mise en page s’éloigne des codes du manga traditionnel puisqu’il n’y aura ici aucun dialogue direct dans des bulles, mais seulement des personnages silencieux devant une narration très tranquille faite hors champ par un narrateur neutre. En fait, le style se rapproche plus des emonogatari, ces livres illustrés très communs dans les années 1950 qui couchaient pour la première fois sur le papier les productions faites pour le kamishibai, le fameux théâtre de papier japonais qui constituait le divertissement populaire par excellence à l’époque (l’ancêtre de la télévision, quoi!).
Et c’est le seul que Miyazaki produira. On sait d’ailleurs que le maître de l’animation japonaise construit ses plans d’une façon similaire : des planches peintes à l’aquarelle, entièrement réalisées à la main, pour chaque plan de caméra. Un travail colossal reflété dans le résultat final!
Allez, un petit fun fact sur Shuna’s journey avant de vous parler un peu plus de cette œuvre monumentale : saviez-vous qu’elle a été adaptée en radio drama en 1987, l’ancêtre de notre drama moderne!
Plongeons maintenant un peu plus dans l’histoire…
Quelle est l’histoire de Shuna’s journey?
Le scénario de Shuna’s journey prend ses racines dans la culture d’Asie centrale, plus particulièrement au Tibet. On adapte ici un conte traditionnel du folklore tibétain qui symbolise l’arrivée des cultures de l’orge dans le pays, qui aurait sauvé nombre de villages d’une famine certaine. Le conte original transformait le héros en chien, comme punition pour avoir volé les ‘’Golden Seeds’’, jusqu’à être sauvé de sa forme canine par l’amour, avec un grand A.
Miyazaki a quelque peu abandonné cette prémisse pour donner une allure plus noble à son protagoniste. Son Shuna, prince héritier d’un pauvre royaume niché au creux de hautes montagnes et souffrant régulièrement de la famine, décide de prouver sa valeur en tant que futur roi en partant à la recherche des mythiques ‘’grains dorés’’, une semence étonnamment fertile qui assurerait prospérité à son peuple pour les siècles à venir. Ces graines miraculeuses pousseraient au sein du mythique royaume du God-folk. Quittant sa vallée avec pour seul compagnon son yakul (une sorte de yak) préféré, Shuna parcourra le monde pendant des lustres en quête de la graine miracle. Chemin faisant, il se heurtera à la dure réalité du monde extérieur et à la cruauté des hommes. Croisant un inquiétant convoi, il sera le témoin de trafic d’esclaves dont font partie la jeune Théa et sa petite sœur. En libérant les deux filles et leurs compagnons d’infortune, Shuna se mettra à dos tous les marchands d’esclaves et devra continuer son périple en prenant soin des deux jeunes filles et en étant constamment pourchassé par les trafiquants qui voudront sa peau.
Époustouflants paysages grandioses et fascinantes créatures fantastiques qui sont l’apanage de ce magnifique one-shot ne pourront donc nous faire oublier les thématiques sérieuses abordées par le réalisateur : esclavage, trafic humain et abandon des richesses locales au profit de l’importation.
On découvrira avec délices dans le personnage de Théa l’héroine typique chère à Miyazaki, même si Théa n’est que le personnage secondaire : intelligente, forte de caractère, charismatique, altruiste, et ayant une indéfectible foi en l’humanité.
On ne se mentira pas : l’univers de Shuna’s journey ne peut que rappeler ceux de Nausicaä et de Princesse Mononoke, avec lesquels il est en complète résonnance. Ces trois œuvres étaient d’ailleurs travaillées de concert, ou presque, par le maître. Le yakul de Shuna est le pendant de l’élan de Ashitaka, les univers fantastiques aussi merveilleux qu’intimidants sont similaires à ceux traversés par Nausicaä, les créatures qui les peuplent réfèrent à celles que Nausicaä combat… Bref, Shuna’s journey est une superbe introduction à tout ce qui a fait le succès de Miyazaki.
Le manga serait également l’inspiration principale pour Les contes de Terremer, de Gôrô Miyazaki, fils du sensei, surtout connu pour avoir lamentablement échoué à prendre la succession de son père en tant que réalisateur des Studios Ghibli.
Lire Shuna’s journey c’est plonger en profondeur dans les racines du style Miyazaki, c’est comprendre ce qui a fait de lui, en quelques années, un des plus grands maîtres de l’animation mondiale, mais c’est aussi tout simplement retrouver l’émerveillement que nous avons eu en découvrant ses chefs-d’œuvre et retomber un peu dans le cocon de l’enfance.
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