Connue dans nos contrées pour son excellent titre Princess Jellyfish, Akiko Higashimura n’est pas une mangaka comme les autres. Auteure à temps plein mais aussi mère monoparentale, Higashimura nous régale avec des histoires qui sortent du lot. N’hésitant pas à sortir de sa zone de confort, l’auteure aime aussi se confronter à de nouveau défis aux dépens de ses habitudes narratives. Vous connaissez la musique, deux œuvres, un auteur : on se tourne aujourd’hui vers la talentueuse et audacieuse Akiko Higashimura.
Tokyo Tarareba Girls : un manga d’adulte pour adultes.
Higashimura est loin d’être une Japonaise comme les autres. Célibataire séparée de son conjoint et mère monoparentale, l’auteur détone du schéma classique de la femme Japonaise. Cette différence est une source d’inspiration pour ses oeuvres. Tokyo Tarareba girls est l’une de celles-là. Le manga se présente comme une comédie romantique mais surtout sociétale. Le non-conformisme qu’elle vit quotidiennement est son fer de lance pour se confronter au conformisme japonais suivant : vers l’âge de la trentaine, une femme se doit d’être mariée et femme au foyer, un homme d’avoir un métier stable et qui rapporte. Cette façon quelque peu dépassée de voir la vie est souvent montrée du doigt par les mangaka.
En cela et en son côté semi-autobiographique, Tokyo Tarareba girls est un manga d’adulte. Écrit par une trentenaire décalée pour des trentenaires qui ne se retrouvent pas dans la société japonaise conformiste, l’oeuvre est une ode aux ‘’vieux’’ célibataires de début trentaine, à la Sex and The City.
Rinko est une célibataire endurcie. Epanouie professionnellement, elle représente avec ses amies de toujours ce qu’il n’est pas bon d’être dans une société nippone un peu trop exigeante et stricte : une femme libre et indépendante. Alors que son entourage lui fait savoir qu’il serait temps qu’elle se trouve une situation matrimoniale stable, sa vie sera chamboulée par l’arrivée d’un jeune homme de 19 ans aux allures de mannequin.
Dans cette oeuvre, l’auteur aborde donc deux sujets sensibles : vieillir en étant célibataire et fréquenter une personne beaucoup plus jeune que soi. Tokyo Tarareba girls clame haut et fort que l’on peut s’affranchir des vieilles mœurs japonaises qui ne correspondent plus à la société nippone d’aujourd’hui et défend la parité professionnelle et le point de vue selon lequel avoir des enfants ne devrait pas signer pas la fin de carrière pour une femme.
Tigre des neiges : l’histoire japonaise sous un autre angle.
Avec le tigre des neiges, Higashimura se lance dans le manga historique. Un projet somme toute ses plus audacieux pour la mangaka. Dans Le tigre des neiges, l’auteur se lance dans l’extrapolation historique et s’attaque au postulat suivant : Uesegi Kenshin, grand général de l’époque Sengoku, aurait-il pu être une femme? Avancée par le romancier Tomeo Yagiri et soutenue par nombreux historiens, cette thèse peut paraître improbable mais est loin d’être impossible.
Décomposé en deux parties, la narration fictive et la partie historique et humoristique, le manga s’offre une mise en page et une narration uniques.
Le côté narratif racontera l’ascension de Tora, future Uesugi Kenshin, depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Notre héroïne, forte de caractère, a toujours voulu être considérée comme un garçon. Les activités de femme ne lui ont jamais plu. Ce qui intéresse Tora, c’est le combat à l’épée et l’équitation. Une fois les rènes en main, elle devra tout faire pour se laisser considérer à l’égal d’un homme. Il n’est pas de travail d’homme qu’une femme ne peut faire et Tora sera là pour le démontrer au Japon entier ainsi qu’au lecteur. Mais au-delà de l’histoire de Tora, c’est l’évolution d’une région toute entière qui sera mise en avant. On pourra entrer profondément dans les intrigues des puissants seigneurs et des nombreuses batailles qui ont marqué l’époque.
Le côté historique se décomposera en deux parties, en simultané sur la même page, l’auteur nous propose sur un ton humoristique, soit une leçon d’histoire sur le personnage éminent de Kenshin, soit un rendez-vous en tête-à-tête qui vient briser le 4e mur, cette séparation entre le lecteur et les personnages d’une oeuvre, venant créer une proximité entre le lecteur et l’auteure. Cette idée innovante comme outil narratif permettra au lecteur une approche différente d’une même lecture. Le côté historique nous apportera les résultats de la documentation de l’auteure de manière vulgarisée et permettra, au fil du récit, de découvrir telle ou telle coïncidence. À son inverse, la partie confidences de l’auteur apportera une légèreté au récit, le tout pour un parfait équilibre à la lecture.
Il est agréable et surprenant de voir à quel point Akiko Higashimura peut varier ses thématiques, tout en gardant le style unique qui a fait sa renommée. Pleinement consciente que les lecteurs qui lui étaient fidèles à l’époque de Princesse Jellyfish grandissent, l’auteur adapte son travail en conséquence. Jeune comme plus âgé, tout lecteur qui s’aventurera sur sa bibliographie saura trouver, sans l’ombre d’un doute, le manga qu’il lui faut.
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