De l’izakaya au célèbre KFC à Noël en passant par l’umami (la 5e saveur dans la cuisine japonaise), la nourriture au Japon possède un quelque chose de sacré, de ritualiste et lorsqu’on fait les rapprochements nécessaires, on se rend compte que la gastronomie japonaise revêt une importance culturelle indéniable. En tant que lecteur de mangas depuis des années, force est de constater que cette importance de la nourriture n’est pas juste culinaire mais aussi littéraire. Reflet de l’intérêt gourmand des Japonais, le manga est aussi un support prédominant pour… nous donner faim. Allez tous à table, sortez les crocs, on parle des mangas autour de la bouffe!

Le Ryōri manga ou manga de cuisine

Les Ryôri manga, ou mangas de cuisine, sont nombreux dans leur petite catégorie gourmande. Le genre fait ses premiers pas mais en tatônnant sous le crayon de la célèbre Moto Hagio (Le cœur de Thomas, Le Clan Poe) avec Cake cake (1970) et connaît un boom gourmet dix ans plus tard. Depuis ce boom gourmet, on estime qu’au moins 1000 ryôri manga ont émergés. Dans cette sous-catégorie qui peut toucher tous les genres du manga (shônen, shôjô, seinen, josei, et même yaoi ou yuri), nous avons l’embarras du choix.

Source : Food Wars: Shokugeki no Sanju, Saeki Shun, Shueisha, 2018.

Quand on parle de nourriture, on pense directement à Food Wars, dernier manga de nourriture qui a vraiment marqué le manga shônen. De par l’excentricité de Soma, le héros, et de sa fameuse spécialité, les « tentacules de poulpe grillés au beurre d’arachides », de par les réactions surjouées voire torrides des dégusteurs.euses, Food Wars a très vite marqué les esprits. Le manga est un tel succès qu’un cross-over avec Sanji, le cuisinier de One Piece, a même vu le jour. De plus, si vous avez salivé sur une des recettes de Food wars, un petit cours 101 de cuisine vous est offert entre deux chapitres afin de vous pousser à prendre le couteau et vous tourner vers les fourneaux. Cela aurait même inspiré des fans de la série à réaliser la fameuse recette des tentacules de Soma!

Source: Food Wars: Shokugeki no Soma, Saeki Shun, Shueisa, 2012.

Mais s’arrêter sur Food Wars serait passer à côté de nombreuses pépites, telle que Toriko et son univers presque entièrement comestible qui met en scène un chasseur de denrées nommé Toriko, qui part chasser des ingrédients toujours plus fous les uns que les autres tel qu’un Fruit arc-en-ciel qui change de saveur à chaque bouchée, une pousse d’ozone aussi légère que l’air qu’il faut manger à 2 en même temps, ou encore les coco ramen, des noix de coco remplies de ramen chaudes. L’auteur est allé pousser l’expérience jusqu’à faire participer ses lecteurs en leur demandant d’inventer des denrées qu’il incorporerait dans le manga.

Source : Toriko, Shimabukuro Mitsutoshi, Shueisha, 2018.

En seinen, il est facile de retrouver des mangas tel que Les gouttes de Dieu qui parlent de la dégustation du vin et des accords mets et vins. Tout en douceur et avec une approche plus technique et poussée, on plonge à corps perdu dans le monde de la vigne et des fruits des vignobles.

Ou encore Le gourment solitaire, de Jirô Taniguchi, qui nous offre une balade culinaire à travers les excentricités et spécialités de tout le Japon. Tout en prenant le temps de savourer chaque plat, chaque ingrédient, Le gourmet solitaire se présente comme une ode à la dégustation gourmande.

Et si on souhaite une touche plus tendre, quoi de plus relaxant de suivre le quotidien de la jeune Kiyo, apprentie geisha ratée qui se reconvertira dans la cuisine de son okiya (maison de geisha) dans le manga fraîchement sorti La maison des maiko. Sous forme de tranche de vie quotidienne, on réapprend l’importance de la nourriture. Celle-ci réconforte le cœur, réchauffe le corps et est un élément clé du partage et de la sociabilisation.

Source : Maiko-san Chi no Makanai-san, Koyama Aiko, Shôgakukan, 2016.

La gloutonnerie comme code shônen

En évoquant la nourriture dans le manga, il m’était impossible de passer à côté d’un certain code inhérent au shônen : la gloutonnerie des héros de shônen, ou leur capacité à ingérer une quantité gargantuesque de nourriture! Principalement présent dans le shônen nekketsu (d’aventure), beaucoup de héros y ont un appétit colossal. Ici, on met l’accent sur le concept suivant : la nourriture est l’essence de la vie, manger est le propre des personnes en bonne santé.

Utilisé comme un code du genre, cela vient en contradiction avec l’énergie que ceux-ci dépensent lors de leurs combats allant jusqu’à tourner le tout en scène comique : Goku et ses assiettes qui s’accumulent afin de recharger ses batteries, ce qui s’avérera être le propre des saiyan lorsque Vegeta arrivera dans la série. On a tous en tête le duel de nourriture entre Goku et Vegeta qui sera l’extension de leur rivalité afin de savoir qui mangera le plus.

Source : Dragon Ball, Akira Toriyama, Shueisha, 1985.

En prenant la mer vers l’univers de One Piece, cette gloutonnerie “nekketsuesque” sera le propre de Luffy, jouant de son pouvoir du fruit démoniaque pour aller piquer dans les assiettes de ses nakama (compagnons) et, dans sa précipitation, s’étouffer avec un gigot. Ou encore, Luffy qui devient temporairement obèse avant une digestion presque instantanée qu’il arrivera à tourner en technique à part entière face à l’un des personnages les plus forts du manga : la fameuse technique Gum gum – Tankman.

Source : One Piece, Eiichiro Oda, Shueisha, 1997.

Mais la bouffe dans l’univers de One Piece est aussi un remède efficace et instantané contre les blessures. Impossible de passer à côté de Luffy et Brook qui réparent leur dentition et leurs os rien qu’en buvant un berlingot de lait.

Source : One Piece, Eiichiro Oda, Shueisha, 1997.

Ode gourmande par opposition à la célèbre phrase de Socrate « il faut manger pour vivre, et non vivre pour manger », la nourriture dans le manga peut être tantôt tournée en dérision, tantôt présentée comme un trésor national à découvrir par les yeux et par le ventre. La nourriture dans le manga donne faim et offre une scène pour la mettre en valeur qui reflète de justesse son importance pour le Japon et les Japonais, classée 4e sur 95 des meilleures cuisines du monde. Les Japonais sont fiers de leur gastronomie et sont pour la plupart de fins gourmets aimant la bonne chère jusqu’à en faire une fierté nationale. Il était donc logique que le manga soit le reflet de cet intérêt bien ancré dans le ventre et la culture nippone.

*Source image en entête : One Piece, Eiichiro Oda, Viz Media, 2005.

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