L’esprit d’un humain en processus de création est un labyrinthe. On ne sait que rarement d’où provient l’imaginaire d’un artiste, ni quel monstre il tente d’exorciser dans les couloirs de son œuvre. La complexité intellectuelle et sensible qui se joue lorsqu’il construit une œuvre est un véritable dédale de mystères et de sensations, de techniques, de vécus et d’accidents. Le temps est venu de se perdre une dernière fois dans le labyrinthe du grand maître de la science-fiction japonaise : Leiji Matsumoto.

Un auteur pas comme les autres

Dans de très rares occasions, l’univers accueille très tôt votre vocation. Leiji Matsumoto, de son vrai nom Akira Matsumoto, n’a pas attendu avant de se lancer dans la profession de mangaka. Dès l’âge de 15 ans, il remporte son premier concours magazine Manga Shônen avec son véritable premier manga, publié l’année suivante. Il est par la même occasion repéré par Osamu Tezuka (Astro Boy) et deviendra un de ses premiers assistants.

Source : Albator intégrale – Leiji Matsumoto, Kana, 2013.

Ayant appris auprès du plus grand, la piqûre des mangas et des histoires ne l’a plus jamais lâché, Mais le jeune Matsumoto rêve avant tout d’écrire ses propres histoires. Ayant longtemps écrit des shôjô, ce n’est qu’avec le shônen qu’il est devenu célèbre. De ces débuts comme conteur d’histoires romantiques, l’auteur garde un style bien à lui, une particularité artistique qui mêlera deux styles qu’on n’a pas, encore aujourd’hui, l’habitude de retrouver ensemble. Sa façon de dessiner les femmes, son protagoniste et les hommes seront sa marque de fabrique. Une silhouette sensuelle et longiligne pour les femmes et pour son héros afin d’exprimer l’essence même de la sensualité et de la beauté sera contredite par la silhouette trapue, voire obèse, naine, au visage défiguré et grossière pour les hommes.

Source : Queen Emeraldas intégrale – Leiji Matsumoto, Kana, 2014.

Son rêve, si l’avenir et sa bonne étoile lui permettaient, c’était de mettre sur papier les univers dantesques qu’il élaborait depuis des années. Et même si son cœur et ses envies vacillent entre plusieurs univers, trois parmi eux revêtirons une importance toute singulière.

Ainsi, lorsqu’on se retourne sur la carrière de l’auteur, on constate qu’il est aisé pour le mangaka de jongler avec les trois thématiques qui rythmeront ses œuvres : les duels insoutenables du western spaghetti, le vide sidéral de la science-fiction et les horreurs de la guerre, voici la trinité qui dirige l’imaginaire exacerbé de ce grand rêveur.

Un univers mythologique inattendu

Rêver les yeux ouverts, tel est la promesse et l’essence primaire que Matsumoto nous propose dans ses œuvres. L’amorce de cette fresque mythologique qui représente le multivers matsumotesque se fait avec Gun Frontier, où deux hommes et une femme tentent de survivre dans l’Ouest américain sauvage. Finalisée en deux volumes dans sa dernière édition, l’oeuvre nous présente un voyage centré sur l’aventure et la violence. Teinté d’humour, ce voyage pistolet à la main, nous délecte également d’un brin d’érotisme.

Source : Gun Frontier – Leiji Matsumoto, Black Box, 2016.

Vient ensuite votre réveil à bord d’un train qui voyage à travers l’infiniment grand : la Galaxy Express 999. Voguant aux grés des mésaventures de Tetsuro et Maetel, cette locomotive du futur met le cap vers Andromède avec comme finalité la recherche de l’immortalité.

Mais l’auteur est plus connu pour son œuvre phare et son personnage aussi iconique : Capitaine Harlock, connu chez nous, francophones, sous le nom d’Albator. Sombre, ténébreux, solitaire, le capitaine de l’Arcadia est présenté comme un paria aux yeux de la terre. Exilé pour avoir prévenu des dirigeants entêtés d’une invasion en cours, Albator et son équipage représentent le dernier espoir de la terre, protecteurs de notre planète bleue et de ses habitants qui les méprisent aveuglement. L’Arcadia sera le seul salut de l’homme contre l’invasion des terribles Sylvidres.

Source : L’Anneau des Nibelungen – Leiji Matsumoto, Kana, 2005.

Bien que n’ayant pas au départ de liens entre eux, Matsumoto s’amuse à croiser certains personnages de ses différentes œuvres. Albator, par exemple, revient dans plusieurs œuvres. Gun Frontier, Capitaine Albator, Queen Emeraldas (l’alter ego féminin d’Albator), ou encore Galaxy Express 999, l’auteur construit les fondations de quelque chose de plus grand encore que ce qu’il avait imaginé en commençant à dessiner. Les engrenages de lois, principes, codes et symboles autour de l’univers se mettent en place, et, une fois réunis, tous ces éléments constituent une mythologie propre à Matsumoto ! Dès lors, le lecteur s’amuse à trouver les connexions, à replacer les œuvres pour les faire concorder ensemble, les faire entrer en résonance comme une seule et unique histoire gargantuesque.

Source : L’Anneau des Nibelungen – Leiji Matsumoto, Kana, 2005.

Mais la boucle n’est bouclée que lorsque la pièce maîtresse de ce complexe puzzle sera révélée avec L’Anneau des Nibelungen. L’oeuvre prend son propre envol, s’affranchit et nous aspire dans le magnifique vortex imaginaire de ce grand génie qu’est Leiji Matsumoto.

Un grand homme disparaît, une grande œuvre demeure

Lorsqu’on est enfant, on grandit avec un patrimoine culturel, hérité des vieilles bande-dessinées des cousins, de la vidéothèque des parents, et puis vient un jour où l’on fait ses propres découvertes, des œuvres qui, l’espace d’un instant, nous appartiennent. Pour moi, ce fut Albator. De ses voyages dans l’infiniment grand aux règlements de compte à coups de Gravity Sabre ou de Cosmo Dragoon, mon envie irrépressible de merveilleux et d’aventure fut comblée par cette ode spatiale que représente l’univers d’Albator, l’univers de Leiji Matsumoto. Un sentiment de solitude et de tristesse m’envahit à l’écriture de cette chronique, le départ de Maître Leiji Matsumoto vient me voler indéniablement une part de mon passé, de mon enfance. Comme pour Kentarô Miura avant lui, mélancolie et nostalgie sont les maîtres mots lorsque j’essaye encore de comprendre cet homme qui m’a tant inspiré, qui m’a tant fait rêver.

Une chronique signée,

David G.

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Capitaine Albator (Harlock en version originale et en anglais), publié aux éditions Kana, raconte les aventures du pirate de l’espace au visage barré d’une cicatrice et à la longue cape noire siglée d’une tête de mort et qui a rendu célèbre son auteur – Leii Matsumoto – dans le monde entier. Cette oeuvre – parue au Japon entre 1977 et 1979  – a été diffusée à la télévision française à partir de 1980 a connu un succès mondial et une des oeuvres les plus souvent cités dans la célèbre histoire des mangas les plus populaires. Vous voulez en savoir plus, c’est par ici 👉 https://bit.ly/40RUsuu

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