Sumo, volley-ball, rugby, natation, soccer, boxe, patinage artistique… Dans le domaine des mangas de sport, le choix est vaste et varié. Support enclin à véhiculer le dépassement de soi, la persévérance dans l’adversité et l’esprit d’équipe, le manga de sport a les codes du shônen collés à la peau. Mais il est loin d’être uniquement cantonné à ce dernier. Manipulant ses thématiques et sa façon d’aborder le sport, le supokon touche en général un public très large. Si les titres populaires sont principalement des mangas d’aventure, d’action et de baston, le manga de sport est loin d’être sans reste. Aujourd’hui, mon cher lecteur, on s’offre le luxe de parler de sport, et de supokon bien sur.

Du sport pour du sport

Le but principal des mangas tel qu’Haikyu, Kuroko’s basket ou Slam dunk est de sublimer un sport au sein d’une série. Fortement romancé autour de son ou ses personnages principaux, on y retrouvera principalement les valeurs du genre shônen que sont le dépassement de soi, l’esprit d’équipe et la persévérance dans l’effort et dans l’adversité. Ces œuvres qui mettent leur sport en évidence sauront agrémenter leur récit par des situations du quotidien primant l’amitié, la vie scolaire, les tribulations amoureuses. Le tout ici étant de créer une bulle scénaristique tournant autour du sport, de sa compétitivité et de la vie du joueur.

Ainsi, c’est sous les couleurs de l’amour et des sentiments que Slam dunk pose le début de son récit. Hanamichi Sakuragi, rouquin, rebelle et voyou à ses heures perdues, s’enrôle dans le club de basket-ball de son école afin d’attirer l’attention de la nouvelle élue de son cœur, la belle Haruko. Ce début de manga aux allures de ‘’notice-me senpai’’ nous raconte les premiers pas difficiles de son héros dans le monde du basket-ball. Et comme l’amour est plus fort que tout, c’est les sentiments au cœur, que notre héros trouvera la force de persévérer dans cette nouvelle voie. Malgré un début catastrophique, armé de son esprit buté, Sakuragi se lancera à corps perdu dans ce nouveau défi qui deviendra vite un challenge personnel et enfin une réelle passion. Le mangaka Takehiko Inoue, de par sa plume et son ingéniosité, saura sortir des codes du genre et arrivera avec brio à fusionner deux sous-genres du shônen, le supokon (manga de sport) et le furyo (manga de voyous). Slam dunk, de par son originalité, son mélange d’humour et d’action, et sa maîtrise technique, est la référence ultime quand on parle de manga de sport.

Classique en devenir, il est impossible de passer à côté de cet autre petit bijou : Haikyu n’a rien à envier à ses prédécesseurs et a de l’énergie et des idées à revendre. Terminé en 2020, Haikyu a su apporter, du haut de ses 45 tomes, une approche au volley-ball toute particulière tant au niveau littéraire qu’au niveau sociétal. Haikyu, par la popularité qu’il a acquise en séduisant ses lecteurs a réussi à redorer le blason du volley-ball, sport fort peu populaire au Japon.

Visuel innovant, effets graphiques en tous genres et point de vue très peu abordé auparavant ont permis à son auteur, Haruichi Furudate, d’imposer son manga de volley ball au panthéon des incontournables. Côté histoire, l’innovation est encore au rendez-vous. Le jeune Hinata, du haut de son petit 5’4’’, ne veut qu’une chose dans la vie : briller dans le volley-ball. Une fois inscrit au club, il fera la rencontre de Kageyama, un autre rookie du club. Ce duo improbable que tout oppose devra trouver un terrain d’entente et coopérer afin d’atteindre ses objectifs. Ce qui fait la force d’Haikyu, c’est le développement de ses personnages secondaires : c’est l’importance et la profondeur qui leur est apportée, qui rendent Haikyu si plaisant à lire et si immersif.

Le sport, ce vecteur de félicité.

Il existe une approche fort particulière des mangas sur le sport. Principalement présente dans les seinen, cette approche est souvent présentée dans un décor plus sombre, plus mature. Là où le côté compétitif est bien présent, il ne sera plus question de considérer le sport comme une simple activité mais comme un moyen, une issue qui sortira le héros de la misère dans laquelle il vit. Traitant souvent de thématiques sérieuses en lien avec la drogue, la misère, la pauvreté, l’abus, le monde de la pègre et bien plus, le sport sera pour ces héros un vecteur de félicité et un moyen de se forger une vie meilleure. C’est du moins ce qu’on peut retrouver dans Riku-Do ou encore dans Coq de combat.

Depuis son plus jeune âge, le petit Riku a toujours nagé dans les problèmes. Père endetté auprès d’un yakuza, mère droguée et prostituée, notre héros est malheureusement né dans la mauvaise famille. Suite au suicide de son père, Riku est retrouvé par un ancien boxeur devenu collecteur de dettes, Kyôsuke Tokorozawa, alors qu’il frappe avec rage le cadavre de son géniteur. Kyôsuke découvre alors avec horreur que la mère de Riku vit avec un dealer aussi violent que sadique et est bien incapable de s’occuper de son fils. Dealer qui maltraite sa mère et que Riku tuera à coups de cendrier. Je vous avais prévenus : c’est sombre ! Riku dès lors comprenant qu’il doit absolument devenir plus fort demande à Tokorozawa de le former à la boxe et sera confié à un entraîneur sans scrupules et sans pitié qui fera tout pour que Riku monte sur le ring et atteigne le sommet national. C’est empreint d’un pessimisme et d’un désintérêt pour tout ce qui ne se rapporte pas à la boxe que notre héros se lancera à corps perdu dans cette nouvelle discipline qui s’offre à lui. Ce récit aigri à outrance saura trouver les mots justes et tracer une toute nouvelle voie pour notre héros aux nombreux traumatismes et empli de rage. Il trouvera dans la boxe un moyen d’évacuer cette colère et d’exprimer ce qu’il ressent. Mais c’est au travers des rencontres qu’il fera que Riku se découvrira et se donnera enfin l’autorisation d’accéder au bonheur.

Abordant une thématique sensiblement similaire, Levius nous offre toutefois une expérience différente. Sous sa plume maîtrisée aux traits fins et inégalables, Nakata Haruhisa, le mangaka de Levius, nous pose dans une ambiance post-guerre où on suit un héros meurtri tant sur le plan psychologique que sur le plan physique. Le fardeau des atrocités issues de cette nouvelle guerre est chose pénible pour notre héros : sa mère hospitalisée et lui-mêm avec un bras un moins, notre héros évoluera dans une période de boom technologique. L’homme, de par cette avancée, est dorénavant capable de se transformer en cyborg. De cette modification mécanique est né un nouveau sport. Beaucoup plus violente que sa version d’origine, la boxe mécanique est uniquement réservée aux personnes mécaniquement modifiées. Cette discipline baignant dans les paris clandestins, dans la pègre et la corruption sera pour Levius une révélation : il est né pour monter sur le ring. Mais cette nouvelle passion ne sera pas sans risque puisque les entreprises d’armement en partie responsables de la guerre ont décidé de se mêler de sa destinée. Au croisement entre cyborgs et combats de boxe, Nakata Haruhisa réussi avec Levius à combiner deux genres : la science-fiction et le manga de sport.

Le handisport.

Thématique très peu abordée dans le manga de sport et malheureusement peu populaire auprès des lecteurs, le manga d’handisport, donc mettant en scène des personnages ayant subi un accident qui les a rendus handicapés physiques, se fait encore timide mais pas inexistant.
Le plus connu de tous est probablement Real, du mangaka Takehiko Inoue (le papa de Slam dunk). Real se retrouve souvent mis en avant comme étant le manga d’handisport de référence. Rendant handicapé sa passagère Natsumi, lors d’un accident de moto, Nomiya décide de lâcher le basketball afin de s’occuper de cette dernière, voulant assumer sa part de responsabilité dans ce drame. Lors d’une promenade, il fait la rencontre d’un garçon en chaise roulante qui s’entraîne au basket. Sa passion pour ce sport ressurgissant, il décide de se lancer en 1 vs 1 avec ce dernier.

A la suite de ce duel, notre héros développera une certaine sensibilité envers l’handi-basket. De cette défaite écrasante immergera le début d’une magnifique amitié. En parallèle de cette amitié sincère naissante, nous suivrons également le destin d’un nouveau paralysé, Takahashi. Éternel rival de notre protagoniste et devenu capitaine de l’équipe de basket de son lycée depuis le départ de Nomiya, Takahashi devra trouver la force de surpasser son traumatisme. Emprisonné dans cette prison mobile qu’est son fauteuil roulant, c’est tout un chemin de réapprentissage qui attend Takahashi. Le handi-basket sera un moyen de surpasser son handicap et d’accepter sa nouvelle condition. Ce manga aux relations complexes et à la thématique dure est un vrai petit chef-d’œuvre d’écriture. Chaque tome est un vrai gouffre dans lequel on a plaisir à plonger. Le manga nous offre également une petite révolution au niveau de la narration puisque le manga nous racontera l’histoire de trois protagonistes que tout oppose mais qui, en bout de ligne, se ressemblent plus qu’ils ne veulent l’admettre.

Quittons le banc de touche de Real pour se pencher sur un autre manga du genre. Paru il y a peu en français, Running girl nous offre une approche très particulière de l’handisport et du handicap. Ce manga aux allures confirmé de shôjô nous narre la situation dans laquelle Rin, notre héroïne, se trouve. Suite à une opération importante sur sa jambe droite, notre héroïne se voit amputée de cette dernière. Handicapée à vie de façon irréversible, Rin a du mal à accepter sa nouvelle condition. C’est dans la course à pied qu’elle trouvera le réconfort et l’aide dont elle a besoin.

Visitant dans un centre sportif pour handicapés, notre jeune Rin, mal à l’aise, fera la rencontre de deux personnages fort inspirants pour elle. Le premier est un ingénieur qui lui explique le fonctionnement des lames, la deuxième une coureuse qui lui insufflera la passion de courir. De ces deux rencontres naîtra un nouveau rêve démesuré pour notre amputée : participer et gagner les jeux paralympiques. Ce manga faisant écho aux jeux olympiques et paralympiques qui était censés se dérouler à Tokyo en 2020, apporte une touche délicate à la thématique. Running girl révolutionne la perception du handisport, avec une approche personnelle du sujet. L’histoire tourne autour de la réappropriation de son corps suite à un traumatisme. Rin fera petit à petit de nouveau confiance à ce corps qui est le sien, elle se réconciliera avec lui et le transformera en force. Ce schéma narratif très semblable aux différentes étapes d’acceptation du deuil apporte un petit plus à l’histoire et la rend passionnante et intense.

Il est curieux de découvrir à quel point les mangas savent rendre des thématiques vraiment passionnantes. Les mangas de sport ont de plus en plus de popularité, l’apparition des mangas tels que Eyeshield 21, Slam dunk, Kuroko’s basket ou Haikyu montre que les supokon ont encore un bel avenir devant eux. Changement assez récent, il faut reconnaître que de plus en plus de mangas de sport ont la belle vie, n’hésitent pas à se faire remarquer et de temps en temps à s’accaparer le succès. Le prochain Blue Lock, par exemple, risque de créer beaucoup de remous en improvisant, adaptant et surmontant les codes narratifs actuels. Cette polyvalence littéraire sera la clé qui permettra très probablement au supokon de continuer à briller.

🏀 Chronique D – 1er juin 2021 🏀

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