Ce n’est un secret pour personne : qu’on soit fervent lecteur ou novice, le manga a maintenant fait sa place dans notre quotidien. Médium hautement apprécié, l’univers du manga est en mouvement perpétuel. Le manga s’improvise, il s’adapte et se surpasse constamment, bref il évolue encore et encore.
Aujourd’hui, le manga s’apprête à franchir une nouvelle étape, et c’est au Québec que cela se fera : le premier manga 100% québécois a vu le jour.
C’est avec fierté et à l’occasion du lancement officiel à la librairie O-Taku Manga Lounge, en collaboration avec les éditions Michel Quintin, que je vous invite, chers bibliophiles, à découvrir en primeur Les Élus Eljun, le premier manga 100% québécois.
Un univers prometteur
S’inscrivant dans les codes du shônen nekketsu, une lutte interminable entre l’arbre Eljun et les forces du néant fait rage depuis bien trop longtemps. Lors d’une ultime bataille, les champions d’Eljun sont vaincu par une mystérieuse mercenaire à la solde des forces du néant. Enfin presque : Ulfa a été abandonnée et Revner a réussi à sauver son âme avant de lâcher son dernier râle. Ulfa est bien décidée à ne pas lâcher l’affaire, et se lance à la poursuite de Revner qui, depuis cet affrontement, subit le contrecoup de sa technique : il est devenu totalement amnésique. Un long chemin se profile pour nos deux élus Eljun lorsqu’ils se retrouvent. Pourtant, ils devront se hâter : le temps file et n’attend pas. Alors qu’Ulfa et Revner tentent de retrouver mémoire et pouvoirs, la sombre mercenaire et les forces du mal complotent déjà pour assouvir et anéantir tous les mondes couvés par l’arbre monde Eljun.
Des personnages haut en couleur
Je voudrais maintenant m’attarder un peu sur l’élaboration des personnages. Revner, Ulfa et Hrym semblent être les 3 personnages-clés de ce premier tome. Revner a toutes les caractéristiques requises pour remplir avec brio le rôle du héros de shônen classique. Ulfa nous est présentée comme une héroïne repentie, ancienne ennemie, femme forte et déterminée, droite voire peut-être plus forte que le héros au combat, ce qui est suffisamment singulier et rafraichissant pour le notifier. Elle représente clairement le fil rouge de ce premier tome.
Enfin Hrym est énigmatique et laisse le lecteur à ses interrogations. Alors qu’en début de tome on aurait pu penser qu’elle serait la villaine de l’histoire, il n’en est rien. Elle est une simple mercenaire et pourtant elle arrive à déjouer les plans des héros. Masquée en permanence, c’est clairement le personnage le plus mystérieux de ce premier tome, sa simple présence donne la part belle à l’imagination du lecteur. Qui est-elle? Quelles sont ses vraies motivations ? Il est important également de mentionner que l’arbre-monde Eljun et Ginnung, le Vide Suprême, sont tous deux traités comme des personnages à part entière sans vraiment de précisions pour le moment sur ce qu’ils sont réellement, Que sont-ils, que représentent-t-ils alors que le premier est montré comme un arbre gigantesque et le second comme n’étant rien, le néant absolu.
Un manga made in Québec
C’est une première pour une maison d’édition québécoise et ce sont les éditions Michel Quintin, maison fondée en 1982, qui se lance dans l’aventure. Avec un catalogue de près de 1000 titres divers et variés, la maison d’édition n’en est pas à son premier succès. En plus d’avoir distribué des livres à travers le monde entier, c’est aussi la première maison d’édition totalement québécoise à s’aventurer dans le manga. Cette initiative est un pas historique pour le manga et une chance inouïe pour d’autres artistes de la belle province qui voudraient se lancer dans une aventure de ce genre. Il ne tient qu’à voir le talent de nos jeunes auteurs pour s’imaginer les farandoles d’histoires qui pourraient voir le jour dans les prochaines années. Pour les plus nostalgiques, cela rappellera l’évolution graduelle de la littérature québécoise à ses débuts : fut un temps où il était facile de lire tout ce qui s’écrivait au Québec ! Et puis, avec l’engouement et les talents naissants, celle-ci a explosé pour nous offrir aujourd’hui une littérature qui permet aisément aux lecteurs de s’y noyer de plaisir. Il ne reste qu’à espérer que l’avenir du manga québécois suive le même chemin, le même destin.
Des auteurs déjà rodés
Jean-François Laliberté, scénariste, et Sacha Lefebvre, dessinateur, ont déjà bien roulé leur bosse dans le domaine de la BD. Leur première collaboration, la bande-dessinée de science-fiction U-Merlin, a comme source d’inspiration et toile de fond la légende du Roi Arthur, et, avec 4 tomes à son actif, et a déjà trouvé son public. Les deux auteurs se connaissent depuis plus de deux décennies et ce nouveau projet manga, dont ils sont eux-mêmes friands, représente un défi de taille dans lequel ils s’aventurent allègrement.
Passer d’un support à un autre n’est jamais simple pour un auteur. Chambouler ses habitudes, ses codes familiers, pour basculer vers un style nouveau, peut aisément représenter un défi de taille. Après 4 albums de BD déjà réalisés, nos deux mangaka ont réussi avec brio à dompter le manga pour se l’approprier. L’utilisation du style chibi pour les scènes humoristiques, la disposition des trames, l’essence même de l’humour très typique du manga ou encore le découpage des cases, les codes du manga sont très bien respectés et permettent au lecteur de s’immerger dans Les Élus Eljun aussi aisément qu’on le ferait pour n’importe quel manga japonais. Ce premier tome signe d’ores et déjà un avenir prometteur pour la série ainsi qu’un support bien adapté à l’imagination de nos deux mangaka qui nous promettent un manga rempli d’action et de scènes de combat.
Une thématique efficace qui parle à tous
Quoi de plus efficace pour écrire une fiction que de s’inspirer d’une période qui est à l’origine des meilleures légendes ? Prenant forme dans une ambiance mythologique et viking, les références sont omniprésentes : de l’arbre-monde Yggdrasil au nom d’un antagoniste et jusqu’à la mention subtile du vaste gouffre béant Ginnungagap, les amateurs de mythes nordiques pourront s’imprégner allègrement de cette ambiance guerrière viking inspiré de l’Edda et de l’Edda poétique, deux livres majeures de la mythologie nordique. Saurez-vous trouver toutes les références ? Le premier tome des élus Eljun respire l’essence même du manga, et j’ai aimé creuser et décortiquer les noms des personnages, le visuel de certaines planches et j’ai adoré l’originalité d’expliquer l’essence de l’univers et son fonctionnement via quelques pages entre les chapitres.
Ce premier tome est donc un pari réussi autant pour les créateurs que pour le lecteur, l’inspiration et l’originalité sont présentes, l’oeuvre parle au lecteur et la construction de ce premier tome des Élus Eljun, pose bien l’univers et en même temps laisse libre cours à l’imagination du lecteur sûr de nombreux points. Le cliffhanger de fin du volume 1 nous laisse un questionnement intrigué sur la suite des événements. Cela ne donne qu’une envie : embarquer une fois de plus dans l’univers avec le tome 2 et pour voir où ce manga et ses mangaka nous emmèneront.
Une chronique signée,
David G.
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Les Élus Eljun raconte l’histoire de l’arbre de vie, Eljun, créateur des neuf mondes. Sans cesse attaqué par les forces du néant, il choisit de puissants guerriers afin de le défendre, ainsi que les neuf mondes. Dotés de pouvoirs hors du communs, ces valeureux soldats forment le clan des Élus Eljun.
Envie de découvrir cette nouvelle série? Vous pouvez lire un extrait du manga ici.