« On peut définir la science-fiction comme la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l’être humain aux progrès de la science et de la technique », disait Isaac Asimov, le père de la science-fiction moderne. Mais, à proprement parler, la science-fiction est un genre littéraire qui aborde plusieurs thématiques qui lient intrinsèquement l’être humain et les avancées scientifiques, passées, présentes et futures. Ainsi, les récits aborderont principalement des thèmes comme le voyage dans le temps, la colonisation de l’espace, les rencontres du troisième type, les robots ou encore la catastrophe apocalyptique planétaire. Au sein de la scène littéraire, nombreux sont les auteurs qui ont laissé leur marque dans ce domaine : Isaac Asimov et sa saga Le cycle des robots, René Barjavel et sa célèbre histoire d’amour intemporelle, La nuit des temps, ou encore Frank Herbert avec sa mythique saga Dune. Mais qu’en est-il dans l’univers du manga?
Exploration « extra-terrestre »
« Deux possibilités existent : soit nous sommes seuls dans l’univers, soit nous ne le sommes pas. Les deux hypothèses sont tout aussi effrayantes » (Arthur C. Clarke, l’auteur de 2001 : L’odyssée de l’espace). Cette recherche constante de la découverte est de savoir si nous sommes vraiment seuls ou pas dans l’univers est un des puissants moteurs qui poussent l’homme à l’exploration spatiale. Que cela soit tangiblement avec l’arrivée de l’homme sur la Lune le 21 juillet 1969 ou en imagination à travers toute sorte d’histoires, c’est un des thèmes les plus récurrents dans la science-fiction.
Cette ode à l’exploration interstellaire est la figure de proue du manga Edens zero d’Hiro Mashima (Fairy Tail). Cette nouvelle aventure retranscrit la vie de Shiki un jeune orphelin parti à bord d’un vaisseau pour l’infini cosmos. Accompagné de Rubis et Happy, le chat robot, tous les trois se lancent dans l’aventure de leur vie : parcourir l’univers pour tenter de trouver la mystérieuse et légendaire Mother, entité certainement cosmique et potentiellement divine. La légende de Mother ébranle l’univers d’Edens Zero : Mother existe-t-elle vraiment? Qui est cet être qui fait fantasmer le cosmos tout entier?
Mais outre Mother, Edens zero, c’est aussi de l’exploration pure et simple, un voyage de planète en planète aux allures de Star Wars (qui fut une grande source d’inspiration de l’auteur). Hiro Mashima veut ainsi montrer que son univers est grand. Le cosmos Sakura, qui voit des pétales de cerisier défiler dans le vide spatial est composé de nombreuses planètes, toutes aussi uniques les unes que les autres, ainsi il n’est pas rare de croiser une planète à l’écosystème particulier ou encore une mégalopole ultra-moderne.
Cette mise en avant de l’exploration n’est pas sans rappeler un des codes du shônen : le voyage et la découverte. Le but ici est de faire évoluer les héros, mais aussi le lecteur, dans des décors tous plus spectaculaires les uns que les autres pour susciter l’excitation et le dépaysement. Car, comme le dit, Buzz Aldrin, astronaute de la mission Appolo 11 : “L’exploration est ancrée dans notre cerveau. Si nous pouvons voir l’horizon, nous voulons savoir ce qu’il y a au-delà.”
Robots et intelligence artificielle
Une des forces de la science-fiction réside dans la capacité de créer des modèles sociétaux proches des nôtres en restant focalisée sur l’exploration des possibles.
Les robots font partie de ces possibles. Les robots et la vision des robots, dont Isaac Asimov est l’inventeur, amènent l’humain à s’interroger sur lui-même.
Origin, de Boichi (Sun-Ken rock) s’en inspire grandement. Laissé orphelin par son créateur, le robot Origin évolue incognito dans la société humaine : il ressemble, pense et agit du mieux qu’il peut comme un homme. Pourtant, quelque chose cloche : Origin est incapable de ressentir des sentiments. C’est indéniablement la dernière pièce du puzzle qui manque pour qu’Origin puisse se considérer vraiment comme un être complet.
Tout au long des dix tomes de cette incroyable série, c’est le but qu’il se donnera. Origin possède le cortex cérébral qui permet de parler, imaginer, planifier, créer… mais ne possède pas de cerveau limbique, celui qui gère les sentiments, l’élaboration des comportements et les ressentis.
Le post-apocalyptique
Dans une pensée plus pessimiste, Frank Herbert, papa de la saga Dune, s’exprime ainsi : « La question qui se pose pour les humains n’est pas de savoir combien d’entre eux survivront dans le système, mais quel sera le genre d’existence de ceux qui survivront ».
Alors que nous avions abordé des thèmes où l’humanité et l’avenir de l’humanité se portent bien, dans la science-fiction post-apocalyptique, c’est plutôt le contraire. Humanité décimée, invasion alien, catastrophe naturelle ou extraterrestre… dans ce genre, on ne fait pas dans la dentelle ! Les récits présentent un univers sombre, on parle souvent d’oeuvre aux anti-héros confrontés à un destin tourmenté et violent.
Biomega, de l’iconique Tsutomu Nihei, ainsi que l’entièreté des œuvres de l’auteur, fait partie de cette catégorie. Avec Biomega, le lecteur est directement immergé dans un monde impitoyable où un virus fait rage.
Touchant l’ensemble de la terre, ce virus transforme les hommes en zombies. Zôichi Kanoe, notre héros, est un androïde conçu par une puissante corporation. Sur sa moto, avec l’IA qui l’accompagne, Zôichi doit écumer les foyers infectieux du virus pour trouver les personnes qui ont développé une immunité au virus. Vous vous en douterez, l’univers posé est sombre, violent, souvent très graphique et au sein d’une architecture démentielle à couper le souffle ; il est difficile de ne pas tomber sous le charme des dessins envoûtants de Nihei.
La science-fiction est un genre littéraire très dense et pourrait sembler complexe à prendre en main. Le nombre de thématiques et d’enjeux abordés dans le genre est varié et ce que j’ai cité est loin de rendre totalement justice. Il serait passionnant d’approfondir les autres sous-genres et j’aurais pu extrapoler sur la hard science-fiction, l’uchronie, le voyage dans le temps, le space-opera ou son opposé le planet-opera ou même être audacieux en évoquant la space-fantasy qui, pour certains, est une vraie perle et pour d’autres, une hérésie. Mon but était clairement de vous initier à ce genre en titillant votre curiosité littéraire.
Pourtant, s’il faut retenir une chose : les récits de science-fiction, romans comme mangas, sont matière à penser et à réfléchir. Certaines conjectures peuvent aider à l’interprétation de nos sociétés, de nos comportements et de nous-mêmes face aux conséquences sociales des progrès scientifiques et techniques.