Jesus – Ed. Integrale

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1. Note 5 sur 5

   harvey.valerie2 – 2 mars 2025

   Très intéressante interprétation de l’histoire de Jésus. Ce n’est pas le récit d’un croyant, Yasuhiko ne raconte pas une histoire pour promouvoir une religion et cela transparait.

   On n’essaie pas d’impressionner, bien au contraire, les moments que Yasuhiko choisit de raconter ne sont pas toujours ceux des miracles, mais plutôt des regards, des paroles, des “magouilles”, des intrigues du pouvoir, des repas et interactions entre les disciples. Dès le début, le mangaka place le narrateur tout près de Jésus: on l’observe avec les yeux de Josué, qui cherche à donner sens à sa vie injuste. Josué est profondément “ordinaire”, il nous ressemble. Il n’est pas toujours là aux moments-clés, il est parfois mal traité par les autres apôtres, il ne comprend pas tout, c’est un narrateur humble, qui fait des erreurs et qui nous racontent ses questionnements. Malgré les doutes de Josué sur les miracles, cela ne l’empêche pas de respecter et d’être impressionné par Jésus. Et d’être guéri de la longue culpabilité qu’il porte quand arrive la femme pécheresse, sur le point d’être lapidée.

   On sent derrière ce modeste personnage le regard du mangaka qui respecte Jésus, ses paroles de paix, sa clairvoyance sur la corruption des élites en place à ce moment-là, les différentes factions qui cherchent à user du Messie pour leurs propres avancées… En ce sens, Jésus de Yoshikazu Yasuhiko est un récit beaucoup plus politique que religieux, ancré au niveau de l’humain, qui regarde une personne qui tente de changer le monde avec un discours différent, parce qu’il ne prône pas la destruction par les armes, mais par la bonté, le respect de l’autre.

   Il est sûr que lorsqu’on est croyant, ce récit terre-à-terre de l’histoire de Jésus ne plaira pas, car il ne confirme pas les miracles, il remet en cause des points sur lesquels se fondent le credo des chrétiens. Et pourtant, Yasuhiko s’est aussi basé sur les évangiles (il a sélectionné principalement celle de Saint Marc, l’évangile la plus ancienne; en intégrant quelques points de celle de Jean) en plus de lire plusieurs théoriciens (il en parle dans la postface).

   Les dessins sont fabuleux. Toute cette intégrale est en couleur, certaines planches sont si belles qu’on peut s’y arrêter, hypnotisé par un regard, une lumière descendu des cieux, un corps souffrant, une vue sur Jérusalem. Comme dans Mobile Suit Gundam: THE ORIGIN, Yoshikazu maîtrise parfaitement l’art de raconter. On trouve bien sûr des mots (basés sur les évangiles en français), mais c’est principalement par le dessin que ce manga fait “parler” le plus ses personnages. Le mangaka ajoute ainsi beaucoup d’émotions à travers cette façon de marcher en levant la tête vers l’avant comme si Jésus voyait son aventure, ces courses pour fuir le drame, ces corps ployés qui pleurent… Quelle maîtrise!

   Le but du mangaka n’était pas de dessiner un récit de foi, mais de dépeindre ce qu’il considère comme les messages les plus importants du Christ. Yasuhiko rappelle le contexte où il dessine: il cite la fin de la Guerre froide, les attaques au gaz sarin à Tokyo. De la même manière, aujourd’hui, les puissances sont menées par des chefs qui ne tiennent pas à la paix, mais plutôt à augmenter leur pouvoir. Cela rend d’autant plus pertinent la lecture de ce manga sur Jésus. Car ce livre montre comment un personnage osant portant un message différent de celui des leaders en place en paie le prix. Mais aussi comment il peut bouleverser la vie de ceux et celles qu’il croise.

   Un manga pour les lecteurs qui aiment les récits politiques qui restent tout près des plus petits, des plus pauvres, de sont ceux qui subissent les conséquences des conflits des puissants. Et sur le désir d’un homme de leur apporter un peu d’espoir, de paix intérieure, qui refusera d’être instrumentalisé, même s’il sait très bien où cela le mènera.