Lors de la sortie du premier épisode de l’anime, en octobre 2021, Ranking of Kings semblait sortir de nulle part. Aucune traduction du manga n’existait, que ce soit en français ou en anglais : en dehors du Japon, aucun tome n’avait été publié. Même ceux qui lisent illégalement en ligne n’ont pu être satisfaits : aucune numérisation n’était disponible. Il était donc impossible de prendre de l’avance. 

Comment se fait-il que l’anime ait pu attirer autant de spectateurs ? Très simple. Ranking of Kings présente une réécriture des contes de fées occidentaux : les codes du genre sont repris. L’apparence mignonne des personnages qui sont complexes et une histoire prenante au sein d’un monde rappelant les nombreuses histoires de notre enfance, bien qu’elles soient cruelles. Comment l’auteur a-t-il su les détourner pour en faire un succès ?

Il était une fois…

Ce n’est pas la première fois que les clichés narratifs des contes de fées sont repris. Au sein du monde littéraire, ces lieux communs sont utilisés et modulés, que ce soit au sein des classiques ou même des mangas. Vous verrez ainsi un prince sadique mis en scène dans Ludwig Revolution de Kaori Yuki, ou encore des réécritures multiples du Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll… bref, ces contes ont suscité une fascination auprès des auteurs et c’est le cas de Ranking of Kings, qui reprend les lieux communs du genre et les détourne avec subtilité, sensibilité et intelligence, notamment grâce aux personnages.

De zéro en héros

Le prince Boji est né sous une mauvaise étoile… Sourd, muet et doté d’un corps faible, sous-estimé par son entourage, il représente le prince charmant qui subit une malédiction et doit se faire délivrer par le véritable amour, comme c’est le cas notamment dans La Belle et la Bête. Or, dans ce cas-ci, Boji n’a pas besoin d’être délivré. Ces éléments perçus comme désavantageant lui servent d’effet de levier afin de montrer ce qu’il peut faire, malgré sa différence. Contrairement à son illustre père, qui utilise la force brute, Boji se sert plutôt de sa rapidité et son intelligence pour parvenir à mettre à terre ses opposants. 

Une belle tournure face aux handicaps dont la vie peut parfois nous accabler.

« Miroir magique, qui a une beauté parfaite et pure »

L’archétype de la marâtre a marqué l’imaginaire des contes de fées. Que ce soit la méchante reine de Blanche-Neige et les sept nains ou encore la belle-mère de Cendrillon, elle est devenue un cliché réutilisé à toutes les sauces. Pourtant, la définition exacte du mot « marâtre » selon le Larousse est « deuxième épouse du père par rapport aux enfants du premier mariage ». Comment se fait-il que ce mot ait pris une tournure péjorative? 

Buevon de Commarchis, ménestrel, dans son roman Berte aus grans piés (écrit en ancien français, en 1345) fut le premier à reléguer la figure de la marâtre dans le froid absolu, dénuée de tout amour : « de mauvase marastre est l’amour moult petite ». Les mauvaises marâtres ont donc peu d’amour à offrir. Elles revêtirent dès lors une image de femmes dures, sévères, cruelles, voire des sorcières et des mauvaises mères.

Sosuke Toka, l’auteur de Ranking of kings, présente au premier abord la reine Hiling, belle-mère de Boji, sous des traits durs classiques. En réalité, sa relation avec le jeune prince est beaucoup plus complexe. Bien qu’elle soit extrêmement critique, elle lui voue un amour inconditionnel. La marâtre est en réalité très protectrice envers son beau-fils. 

Et alors on se pose la question : peut-on haïr un personnage qui n’est simplement pas parfait?

Adjuvants ou opposants?

Les autres personnages sont aussi des éléments clés de l’histoire. Tous aussi complexes les uns que les autres, nous découvrons peu à peu ce qui se cache sous des airs de perfections ou des villains. Certains paraissent vertueux, mais deviennent en réalité des traitres, tandis que d’autres qui semblent cruels se révèlent être des alliés, comme c’est le cas avec Bebin, le maître des serpents. Or, dans l’imaginaire judéo-chrétien, cette figure serpentine s’associe souvent à la fourberie. Cependant, cette même représentation est différente dans les contes, notamment dans ceux de Blanchebelle et le Serpent, par Straparola, où celle-ci est une adjuvante.  

On peut penser que Toka a mis en dualité deux imaginaires différents du serpent : au sein de la mythologie japonaise, il est associé à la déesse Benzaiten, l’une des Sept Divinités du Bonheur, et est considéré comme un type mineur de Dragon. Il est ainsi honoré comme étant juste et sage. Bebin semble fourbe, mais se rapproche davantage de cette déesse au fil du récit. 

Bref, Ranking of Kings est donc bien plus qu’un détournement de clichés, c’est le dévoilement de la nature humaine avec ses 50 nuances de gris.

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Christine Masson

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